- CYCLES BIOGÉOCHIMIQUES
- CYCLES BIOGÉOCHIMIQUESL’activité de la Terre est incessante: toutes ses couches – du noyau à la plus haute atmosphère – sont animées de continuels mouvements et, surtout, ses enveloppes superficielles – l’atmosphère, les océans et la surface des continents – abritent la vie. Les atomes et les molécules qui constituent ce système dynamique ne restent pas figés, mais circulent au travers des différents réservoirs que sont l’écorce terrestre, l’air, l’eau de mer, les rivières et les lacs, les glaciers, les sols et la biosphère, c’est-à-dire l’ensemble des êtres vivants.Les éléments comme l’hydrogène, l’oxygène, le carbone, l’azote, le phosphore, le soufre et les métaux lourds sont indispensables à la formation des molécules organiques. Leur disponibilité a évolué au cours du temps avec le développement de la vie. Les premières bactéries sont apparues il y a plus de trois milliards d’années, dans une atmosphère sans oxygène. C’est l’apparition des algues photosynthétiques, capables de transformer le gaz carbonique et l’eau en matière organique avec dégagement d’oxygène sous l’action du rayonnement solaire, qui a conduit progressivement à la formation de l’atmosphère telle que nous la connaissons aujourd’hui.Les géochimistes, qui étudient la circulation et les interactions des éléments dans la nature, ont découvert au cours du XXe siècle que tous les éléments décrivent des cycles, passant d’un réservoir à un autre pour finalement revenir dans le réservoir initial. Dans ces processus, la vie joue un rôle primordial, de sorte que le devenir des diverses molécules n’est pas gouverné par les lois de la chimie minérale mais par le fonctionnement des êtres vivants. C’est pourquoi la notion de cycle géochimique a fait place à celle de cycle biogéochimique, qui souligne le rôle essentiel des systèmes biologiques sur les conditions physico-chimiques régnant à la surface de notre planète.Aujourd’hui, les activités humaines perturbent les cycles biogéochimiques naturels en raison de l’utilisation intensive de combustibles fossiles, d’engrais, de ressources minérales ou de molécules artificielles parfois toxiques. L’étude des cycles biogéochimiques non perturbés par les activités humaines devient de plus en plus difficile et même les zones les moins polluées, comme l’Antarctique ou le Groenland, subissent déjà l’impact des émissions industrielles.1. L’hydrogène, l’oxygène et l’eauSi l’hydrogène (H) est l’élément le plus abondant de la biosphère, il n’apparaît qu’exceptionnellement à l’état libre, au sein de quelques fermentations bactériennes, bien qu’il soit le vecteur essentiel de la bioénergétique: photosynthèse, respiration, fermentation. En fait, l’hydrogène s’identifie écologiquement à sa forme oxydée, l’eau (H2O), ce qui implique un autre élément gazeux, l’oxygène (O).Le plus grand gisement d’oxygène est constitué par la lithosphère (3 憐 1012 milliards de tonnes [Gt]), où il est immobilisé de manière quasi définitive sous forme d’oxydes (de silicium, d’aluminium, de fer, etc.) ou de sels (silicates, carbonates, etc.). À l’état gazeux, il constitue 21 p. 100 de l’atmosphère (1,1 憐 106 Gt). Chaque année, la photosynthèse et la respiration des plantes et des sols correspondent à un échange de 80 Gt d’oxygène entre l’atmosphère et la biosphère. Comme les réserves de combustibles fossiles exploitables ne constituent qu’une faible fraction des matières organiques enfouies dans les sédiments (10 000 Gt de carbone), les activités humaines ne risquent pas d’appauvrir dramatiquement la teneur en oxygène de l’air. Celui qui est présent dans la biomasse représente 1 000 Gt, valeur inférieure à celle de l’oxygène dissous dans l’eau (6 000 Gt). Quant à celui qui est combiné dans l’eau, sa masse est très élevée (1,2 憐 109 Gt); il ne repasse dans l’air que lorsque les molécules d’eau et de gaz carbonique réagissent au cours des réactions de photosynthèse (effet Dole).Les réserves d’eau de la planète représentent 1 400 憐 106 Gt dont 97 p. 100 sont localisées dans les océans. Les glaciers constituent les plus grandes réserves d’eau douce du monde (33 憐 106 Gt), quatre fois plus importantes que l’eau liquide: eaux souterraines (8 憐 106 Gt), lacs (0,1 憐 106 Gt), eau des sols (0,07 憐 106 Gt). À l’état de vapeur, l’eau atmosphérique ne représente que 13 000 Gt. Cette quantité augmentera un peu si la Terre se réchauffe par accroissement de l’effet de serre. L’eau atmosphérique se renouvelle en moyenne tous les dix jours, les précipitations (1 000 mm en moyenne annuelle à l’échelle du globe) étant compensées par évaporation principalement dans les zones chaudes de l’océan.2. Le carboneLe carbone (C) est un élément clé de la matière vivante, en raison de sa capacité à former de longues chaînes ou des anneaux moléculaires. Il possède un cycle complexe parce qu’il est présent dans toutes les formes vivantes et dans de nombreux composés inorganiques: on le trouve sous forme de carbone élémentaire (diamant, graphite ou forme amorphe), de composés organiques (plus d’un million de molécules différentes), de roches carbonatées dans la lithosphère, de composés inorganiques dissous dans l’océan et les eaux continentales (bicarbonates, carbonates, gaz carbonique) et de gaz présents à l’état de trace dans l’atmosphère (gaz carbonique, méthane, oxyde de carbone, hydrocarbures). La plupart de ces composés sont susceptibles de participer à des réactions chimiques très diverses. Les échelles de temps des processus mis en jeu varient de plusieurs millions d’années, pour ceux qui sont contrôlés par l’activité interne de la Terre, à quelques secondes, pour la photosynthèse ou pour les échanges gazeux air-mer.Les réservoirsÀ l’époque préindustrielle, l’atmosphère contenait environ 580 milliards de tonnes de carbone (580 Gt C) sous forme de gaz carbonique (ou dioxyde de carbone, CO2) et 1,5 Gt C sous forme de méthane (CH4). Leurs teneurs étaient alors respectivement 280 ppm (cm3/m3 d’air) et 0,7 ppm. Elles ont augmenté en raison des activités humaines, atteignant 360 ppm et 1,75 ppm en 1997. L’oxydation, par les radicaux hydroxyles (OH), du méthane et des composés organiques émis par les forêts, ainsi que les combustions incomplètes conduisent à la formation d’oxyde de carbone (CO), dont la teneur varie entre 0,5 et 20 ppm selon les régions. Celui-ci sera finalement transformé à son tour en gaz carbonique par les radicaux OH, mais il réagira en même temps avec les oxydes d’azote, conduisant à la formation d’ozone (O3).L’océan contient 36 900 Gt C sous la forme de carbone inorganique dissous, 1 000 Gt C de composés organiques à l’état dissous et 30 Gt C à l’état particulaire. Quant aux êtres vivants (algues, plancton, poissons) ils ne représentent que 3 Gt C, mais jouent un rôle considérable en pompant le gaz carbonique dissous grâce aux réactions de photosynthèse et en éliminant leurs déchets sous la forme de particules, qui chutent dans la colonne d’eau. La plus grande partie est oxydée par les bactéries, ce qui provoque un transfert net de C2 de la surface vers les eaux profondes. Ainsi la teneur en C2 de ces dernières dépasse-t-elle celle des eaux superficielles d’environ 10 p. 100. Seulement 1 p. 100 du carbone exporté en profondeur sera enfoui dans le sédiment. Ce mécanisme a été responsable de la formation de gisements pétroliers et de l’augmentation de la teneur en oxygène de l’air au cours des temps géologiques, le carbone enfoui n’étant plus susceptible d’être oxydé.Les végétaux terrestres stockent environ 610 Gt C, essentiellement dans les forêts, les prairies ne constituant que 10 p. 100 de la biomasse. Les sols représentent un réservoir beaucoup plus important, voisin de 1 700 Gt C. Celui-ci est constitué d’une grande variété de composés dont certains (acides humiques, acides fulviques, etc.) ont une durée de vie de plusieurs millénaires.La croûte terrestre contient 90 憐 106 Gt C, dont les trois quarts sont sous forme de carbonates, le reste étant généralement sous des formes très dispersées (seules 10 000 Gt C constituent des réserves exploitables). Ce carbone a un temps de résidence de plusieurs millions d’années et ne participe pas aux échanges actifs existant entre l’atmosphère, l’océan et la biosphère (fig. 1).Les échanges naturels entre les réservoirsÀ l’échelle géologique, le carbone de la lithosphère est relâché par érosion. Il est transporté par les rivières jusqu’à l’océan, où il réside environ un million d’années avant d’être déposé dans les sédiments (coquilles calcaires d’algues ou d’animaux). Il rejoint ainsi la lithosphère, où il restera pendant environ cent millions d’années.La teneur en C2 de l’air dépend de la source volcanique et de la consommation par érosion des silicates. Un état d’équilibre est atteint lorsque la demande pour l’érosion chimique compense les émissions des volcans. Celles-ci ne dépendent que de l’activité tectonique de la planète, alors que l’érosion est plus intense lorsqu’il y a davantage de C2 dans l’air. Tous les flux en jeu sont faibles, mais assez mal connus: le transport de carbone inorganique dissous est estimé à 0,45 Gt C par an, alors que les émissions volcaniques seraient voisines de 0,08 Gt C par an.Par photosynthèse, la biosphère transforme le C2 et l’eau en matières organiques avec dégagement d’oxygène, dont la molécule est constituée pour moitié de l’atome d’oxygène de la molécule d’eau et pour moitié d’un des deux atomes du C2 (effet Dole). On appelle production primaire brute la quantité totale de carbone organique formée annuellement par assimilation de C2. Celle des plantes terrestres est voisine de 120 Gt C par an. La moitié toutefois est consommée dans le même temps par la respiration des plantes, de sorte que la production primaire nette (quantité de matière organique formée en excès de la respiration) ne dépasse pas 60 Gt C. Celle-ci est compensée par la respiration des sols. Photosynthèse et respiration par les forêts sont responsables des variations saisonnières de la teneur en C2 de l’air, celle-ci atteignant son minimum à la fin du printemps et son maximum à la fin de l’hiver. Une faible partie du carbone de la biosphère est injectée dans l’air sous forme de méthane (0,6 Gt C par an), lorsque règnent des conditions anaérobies (marais). L’océan absorbe chaque année 92 Gt C de C2 atmosphérique dans les régions froides. Les eaux chaudes et les remontées d’eau profonde plus froide (upwelling ) émettent 100 Gt C. La différence est compensée par l’absorption de C2 de l’air par les algues qui assimilent 50 Gt C chaque année; 40 Gt C sont rejetées par respiration, 6 Gt C sont éliminées sous forme de carbone organique dissous et 4 Gt C sont exportées sous forme de pelotes fécales. 90 p. 100 des particules sont oxydées dans les deux cents premiers mètres de la colonne d’eau et seulement 1 p. 100 atteindra le sédiment. Par ailleurs, l’océan et l’atmosphère échangent chaque année 60 Gt C par absorption préférentielle du C2 de l’air dans les eaux froides et dégazage dans les eaux chaudes sursaturées (fig. 1).La perturbation par les activités humainesLes activités humaines ont profondément perturbé le cycle du carbone et l’équilibre des flux échangés entre les différents réservoirs. Depuis 1850, les émissions de C2 augmentent à un rythme quasi exponentiel, qui ne s’est ralenti que pendant les périodes de récession économique. Le bilan (exprimé en Gt C) du carbone anthropique pour la décennie 1980-1989 est le suivant: émissions dues aux combustibles fossiles et à la production de ciment: 5,5 梁 0,5; émissions dues à la déforestation: 1,6, 梁 1,0 (le total des émissions est donc de 7,1 梁 1,6); stockage dans l’atmosphère: 3,3 梁 0,2; absorption par l’océan: 2,0 梁 0,8; absorption par reforestation de l’hémisphère Nord: 0,5 梁 0,5; autre puits biosphérique (expansion naturelle des forêts): 1,3 梁 1,5.Ce bilan témoigne d’incertitudes considérables sur le comportement de la biosphère. La concentration atmosphérique de gaz carbonique continuera d’augmenter au cours des prochaines années et devrait avoir doublé au cours du XXIe siècle. Même si les émissions de C2 sont réduites dans le futur, la teneur de l’atmosphère ne diminuera que très progressivement, parce que le transfert vers le puits ultime, les sédiments marins, est extrêmement lent.Pour la même décennie, les émissions provenant du méthane étaient voisines de 0,4 Gt C, les trois quarts étant dus aux activités humaines (fuites de gaz naturel, émissions par les rizières et les marécages, élevage de ruminants). Environ 10 p. 100 restent dans l’atmosphère, le reste étant éliminé par les composés actifs présents dans l’air, notamment les radicaux hydroxyles OH.3. L’azoteL’azote (N) a un cycle complexe parce qu’il existe sous forme de composés solides, gazeux ou dissous dans des liquides. Dans la matière vivante, il est étroitement couplé aux autres éléments, au point que, dans l’océan, leur rapport est quasi constant. Beaucoup de composés azotés ont un intérêt économique et le cycle naturel de l’azote est lui aussi perturbé par les activités humaines.Différentes formes chimiquesL’azote, pouvant prendre des degrés d’oxydation variant de + 5 à – 3, apparaît sous des formes très variées:– L’acide nitrique, H3, résulte de l’oxydation naturelle des oxydes d’azote. Il est produit industriellement, car les nitrates servent à fabriquer des engrais et des explosifs.– Le peroxyde d’azote, 2, gaz toxique irritant, déchet de l’industrie chimique, est produit dans l’atmosphère par oxydation de NO.– L’oxyde nitrique, NO, est un sous-produit de toutes les combustions. Il est surtout abondant en zone urbaine, où le mélange NO-2 est responsable de brumes photochimiques et de nombreuses réactions avec les composés minoritaires de l’atmosphère (oxyde de carbone, ozone, radicaux divers).– L’oxyde nitreux, 2O, peu réactif, a une longue durée de vie (120 ans). Il peut être transporté jusque dans la stratosphère, où il intervient dans les réactions contrôlant l’ozone.– L’azote (N2), gaz incolore, inerte, constitue 78 p. 100 de l’atmosphère.– L’ammoniac, NH3, est un produit d’excrétion des animaux; ses sels servent d’engrais.– Des composés organiques – amines (dérivés organiques de l’ammoniac), amides comme l’urée, ou protéines – constituent une grande partie du matériel cellulaire. Les composés azotés sont donc présents dans les produits d’excrétion ou de décomposition des matières organiques.Les transformations biologiquesLes réactions biologiques contribuent au transfert d’azote entre les différents réservoirs (atmosphère, eaux continentales et marines, biosphère, lithosphère). Les flux les plus intenses sont associés aux échanges de la biosphère avec les sols et l’eau.La fixation biologique est la source unique d’azote pour les plantes en l’absence d’engrais. Celle-ci est réalisée par des algues en milieu aquatique et par des bactéries dans les systèmes terrestres (par exemple, celles des racines des légumineuses utilisées dans l’agriculture traditionnelle pour enrichir les sols). Les micro-organismes sont susceptibles de nombreuses réactions permettant de transformer l’azote en composés assimilables par les êtres vivants: fabrication de composés ammoniaqués, nitrification, qui permet de passer de l’ammoniac aux nitrates assimilables par les plantes pour être transformés en matière organique, dénitrification, réduisant les nitrates en azote ou en oxyde nitreux.Beaucoup d’organismes sont capables d’assimiler directement les produits de décomposition des matières organiques. Cependant, une fraction des composés gazeux produits aux divers stades du cycle biologique de l’azote (NH3, NO, 2, 2O) est susceptible de passer dans l’atmosphère, où ils subissent de nouvelles réactions chimiques.Les réactions chimiques abiotiquesLes oxydes d’azote sont très réactifs dans l’air et, bien que peu abondants, jouent un rôle majeur sur la chimie de l’atmosphère et notamment celle de l’ozone.Les pluies éliminent une grande fraction des composés azotés qui peuvent se dissoudre dans les gouttes d’eau sous forme d’ions ammonium ou de nitrate. L’ammoniac est très rapidement recyclé sous le couvert végétal au voisinage du sol, de sorte que sa concentration diminue rapidement avec l’altitude. Celui qui s’échappe est soumis à l’oxydation photochimique par les radicaux OH, ce qui conduit soit à la production d’oxydes d’azote NOx si leur concentration est inférieure à 60 ppt (1 ppt = 10–12 m3/m3 d’air, correspondant à un milieu non pollué), soit à la production d’azote ou de 2O dans le cas contraire.Dans la basse atmosphère, les oxydes d’azote (mélange NO-2 dont la durée de vie est de quelques jours) interviennent comme catalyseur de la chimie de l’ozone. S’ils sont très peu abondants, ils contribuent à sa destruction. À des teneurs supérieures, proches du ppb (10—9), ils contribuent à la formation d’ozone troposphérique; ils ne sont que lentement éliminés par oxydation en acide nitrique et contribuent alors à l’acidité des pluies. À des teneurs encore plus fortes (milieu urbain fortement pollué), les oxydes d’azote jouent plutôt un rôle inhibiteur de l’ozone.L’oxyde nitreux, 2O, émis par les sols et l’océan, est un gaz à effet de serre, très stable dans la troposphère. Il diffuse jusque dans la stratosphère, où il est décomposé dans 90 p. 100 des cas pour donner de l’azote et un atome d’oxygène actif qui réagit avec l’oxygène pour former de l’ozone. Dans les 10 p. 100 restants, la photolyse de 2O conduit à la formation d’oxydes d’azote, qui servent de catalyseurs de la destruction de l’ozone au-delà de vingt-cinq kilomètres d’altitude. Comme les oxydes d’azote ne sont éliminés que très lentement, leur effet est fortement négatif pour l’ozone stratosphérique.Le cycle global de l’azoteL’atmosphère, contenant 3,9 憐 109 Mt N sous forme moléculaire, 1300 Mt N de 2O, 0,9 Mt N de NH3 et de 1 à 4 Mt N d’oxydes d’azote, est le plus grand réservoir (fig. 2). Elle reçoit les émissions volcaniques (gaz 2), qui compensent les pertes dues à l’enfouissement des matières organiques azotées dans les sédiments marins profonds. Le réservoir sédimentaire contient environ 0,5 憐 109 Mt N, bloquées pendant plusieurs centaines de millions d’années.La biomasse terrestre et les sols contiennent respectivement 11 000 et 100 000 Mt N. La transformation de l’azote dans le sol et son absorption par les organismes sont si rapides que l’azote ne reste pas longtemps sous forme inorganique de nitrate ou de sel d’ammonium. On estime à 1 200 Mt N la quantité recyclée annuellement entre la biosphère et les sols par décomposition des matières organiques et absorption par les plantes. Les bactéries dénitrifiantes rejettent annuellement 130 Mt 2 dans l’atmosphère. En revanche, les bactéries nitrifiantes et les algues bleues l’absorbent continuellement et le transforment en nitrate. En outre, les décharges électriques pendant les orages transforment environ 10 Mt 2 en nitrate lessivé par les pluies, ce qui permet une fixation biologique annuelle de 140 Mt N.L’océan contient 22 憐 106 Mt N d’azote dissous, 20 000 Mt N de 2O inactif, 570 000 Mt N d’ions nitrates et 7 000 Mt N d’ions ammonium, ces deux derniers étant des éléments nutritifs dont la distribution gouverne la production primaire de l’océan. L’océan mondial reçoit annuellement 36 Mt N déversées par les rivières, 50 Mt N apportées par les pluies, qui recyclent très vite les ions nitrates émis par le pétillement de l’eau de mer, et 30 Mt N fixées par les bactéries. Le plancton est très avide d’azote, de sorte que les eaux superficielles de l’océan sont pauvres en nitrate. On évalue à 6 000 Mt N la quantité d’azote fixée annuellement par le phytoplancton. Celui-ci est brouté par le zooplancton, dont les excréments émis sous forme de pelotes fécales tombent dans les eaux profondes. Là, elles sont décomposées par les bactéries et l’azote est oxydé sous forme de nitrate qui passe en solution. Les eaux profondes contiennent de 20 à 40 micromoles par litre de nitrates, qui sont réinjectés en surface dans les upwellings .La perturbation par les activités humainesTous les processus de combustion à haute température (centrales électriques, automobiles) produisent des oxydes d’azote par réaction directe de l’azote sur l’oxygène. Les activités humaines contribuent ainsi à augmenter le flux naturel d’oxyde d’azote dans l’atmosphère. L’air pollué contenant des oxydes d’azote, de l’oxyde de carbone, du méthane et des hydrocarbures est sujet à des réactions photochimiques qui produisent de l’ozone troposphérique et des brumes.La production industrielle d’ammoniac et d’acide nitrique ainsi que les pratiques agricoles accroissent la fixation d’azote atmosphérique d’environ 90 Mt N par an. Cet azote passe finalement à l’océan sous forme de nitrate. Les conséquences de cette perturbation sont encore inconnues à l’échelle globale mais se traduisent par un accroissement, parfois catastrophique, de la production primaire des zones côtières polluées, provoquant les fameuses marées rouges, coloration due à la prolifération de micro-algues.La concentration de 2O dans l’air est passée de 275 ppb au début de l’ère industrielle à 315 ppb en 1997. Elle augmente de 0,3 p. 100 par an. L’emploi des engrais, le développement des terres agricoles et les combustions de biomasse dans les pays en voie de développement ont augmenté d’au moins 40 p. 100 les émissions de 2O dans l’air. Celles-ci contribuent à accroître l’effet de serre naturel de la planète et à détruire l’ozone stratosphérique.4. Le phosphoreLe phosphore (P) est un élément essentiel de la matière vivante, suffisamment rare pour constituer un élément limitant pour de nombreux écosystèmes.Différentes formes chimiquesContrairement aux autres éléments, le phosphore n’a pas de composants gazeux dans les conditions naturelles. Il est surtout présent à l’état d’oxydation + 5, qui est celui de l’ion phosphate (PO43–). Celui-ci est très mobile, parce qu’il s’absorbe facilement sur les particules. Toutes les formes de phosphore, particulaires ou dissoutes, sont dérivées de cet ion qui est susceptible de former des chaînes ou des composés cycliques (les polyphosphates).Le minéral le plus abondant est l’apatite, qui constitue environ 95 p. 100 de tout le phosphore de la croûte terrestre. Elle a pour formule générale Ca10(PO4)6X2, où X peut être F (fluorapatite), OH (hydroxyapatite) ou Cl (chlorapatite). L’apatite est aussi produite dans les dents ou les os des êtres vivants. Après leur mort, les parties apatitiques s’accumulent dans les sédiments et les sols. Leur concentration a conduit à des dépôts économiquement exploitables (phosphorites). Ceux-ci représentent 95 p. 100 des réserves. Des phosphates peuvent également se former par accumulation des fientes d’oiseaux ou de chauves-souris, transformées par diagenèse.Beaucoup de composés organiques nécessitent du phosphore, en particulier les acides nucléiques (ADN et ARN). Les phosphates jouent également un rôle majeur dans le contrôle de l’énergie chimique à l’intérieur des cellules, essentiellement par l’hydrolyse de la molécule d’ATP. Ils sont également indispensables à la formation des phospholipides, constituants des membranes cellulaires et de l’apatite des os.Les réactions dans les écosystèmes continentauxLe phosphore disponible pour les êtres vivants est entièrement contenu dans la couche superficielle de la lithosphère et provient de l’érosion des roches continentales. Il est transporté sous forme particulaire ou dissoute par les rivières jusqu’à l’océan, mais, durant ce trajet, la fraction dissoute peut interagir avec les systèmes biologiques ou minéraux. Les lacs constituent un important réservoir de phosphore continental, qui permet le développement des algues en été. Celles-ci tombent en profondeur avec les particules et le phosphore n’est pas renouvelé en raison de la stratification estivale. Les floraisons épuisent donc les eaux superficielles jusqu’à l’hiver suivant.Le phosphore est introduit dans les écosystèmes par les eaux souterraines ou de ruissellement et est absorbé par les végétaux qui l’incorporent dans diverses substances organiques. Celles-ci sont restituées au sol avec les cadavres et les déchets produits par les êtres vivants. Ces matières mortes sont attaquées par les micro-organismes et transformées en phosphate assimilable par les plantes supérieures.Les réactions dans les écosystèmes océaniquesLe phosphore qui est transporté dans l’océan sous forme particulaire sédimente rapidement et est incorporé au sédiment marin. La portion qui entre à l’état dissous passe très vite dans le cycle biologique, si bien que les teneurs des eaux superficielles sont très faibles: le phosphore est en général un élément limitant pour la production primaire et le phytoplancton en est très avide. Les eaux profondes contiennent de un à trois micromoles de phosphore par litre, parce qu’elles reçoivent la pluie de matières organiques particulaires (pelotes fécales) tombant depuis les eaux superficielles et oxydées par les bactéries. Les eaux du Pacifique sont enrichies en éléments nutritifs par rapport à celles de l’Atlantique, parce que les eaux superficielles plongent uniquement dans l’Atlantique. Les eaux arrivant dans l’océan Pacifique après un long trajet en milieu abyssal ont donc reçu davantage de particules organiques que celles de l’Atlantique.Les zones d’upwelling sont les plus productives, parce que c’est là que les éléments nutritifs regagnent la surface. Toute la chaîne alimentaire bénéficie de cet apport et les bancs de poissons y sont abondants. En revanche, les régions centrales des grands océans, toujours stratifiées, reçoivent très peu d’éléments nutritifs et sont de véritables déserts biologiques.Alors que le phosphore des écosystèmes terrestres est recyclé très efficacement, celui de la biosphère océanique est éliminé soit par enfouissement des matières organiques, qui échappent à la décomposition dans les zones abyssales, soit par formation d’apatite dans les sédiments des marges continentales, soit encore par absorption sur les hydroxydes de fer. Ces pertes sont compensées par les apports des rivières ou de poussières atmosphériques.Le cycle global du phosphoreLes sédiments contiennent environ 4 憐 109 millions de tonnes de phosphore (Mt P); ils n’échangent que très lentement avec les autres réservoirs. Ils reçoivent les particules qui n’ont pas été attaquées et perdent lentement leur phosphore, au rythme où les continents sont attaqués par l’érosion.Le réservoir continental, susceptible d’interagir rapidement avec la biosphère, les eaux continentales et marines et l’atmosphère, n’est constitué que des soixante premiers centimètres des sols. Il contient 200 000 Mt P. Chaque année, les plantes terrestres, dont on estime qu’elles contiennent 3 000 Mt P, en extraient 63,5 Mt P, qui sont compensées par la décomposition des matières organiques mortes.Les émissions de poussières et de particules de phosphate vers l’atmosphère correspondent à un flux annuel de 4,5 Mt P dont l’essentiel provient des continents (4,2 Mt P) et une fraction infime du pétillement de l’eau de mer (0,3 Mt P). Plus des deux tiers retombent sur les continents, 0,8 Mt P tombe dans les sédiments océaniques abyssaux (et éliminé du système échangeable), tandis que 0,5 Mt P est solubilisée dans les eaux superficielles de l’océan et consommées rapidement par le phytoplancton.Les eaux de surface de l’océan constituent un réservoir de 2 710 Mt P qui reçoit annuellement, outre les faibles apports atmosphériques, 1,7 Mt P charriée par les rivières et 58 Mt P apportées par les upwellings . Ce phosphore est utilisé par le phytoplancton qui, annuellement, absorbe 1 040 Mt P et en rejette 998 Mt P. Comme le cycle biologique est très actif et que le plancton ne vit que quelques semaines, le réservoir phytoplanctonique ne dépasse pas 138 Mt P. Les gains de phosphore par les eaux superficielles de l’océan compensent juste les pertes, 42 Mt P sous forme de matière organique particulaire tombant dans l’océan profond et 18 Mt P associées aux plongées d’eaux en profondeur pendant l’hiver, là où la stratification de l’océan est rompue.L’océan profond constitue le principal réservoir de phosphore océanique (87 100 Mt P) et c’est lui qui recycle l’essentiel des éléments nutritifs: un atome de phosphore passe environ cinquante fois entre les eaux superficielles et les eaux profondes avant d’être piégé dans le sédiment, qui ne reçoit que 1,9 Mt P par an sous forme de particules.La perturbation par les activités humainesLe phosphore est injecté dans les sols comme engrais, si bien que les flux entre le sol et la biosphère ont augmenté de 10 p. 100 en moyenne depuis son utilisation. Cette perturbation est très variable selon les régions: elle dépasse 50 p. 100 en Europe, mais est infime dans les pays en développement. Le phosphore est aussi utilisé comme détergent, adoucisseur d’eau ou produit industriel, les polyphosphates formant des complexes solubles avec beaucoup de métaux cationiques.On connaît mal le devenir du phosphore introduit par les hommes. Si la totalité était «capturée» par la biosphère continentale, celle-ci aurait crû de 20 p. 100. Ce chiffre excède celui que l’on peut déduire de la perturbation du cycle du carbone, et une partie significative du phosphore passe dans les rivières, qui le déversent dans l’océan. Cet apport (avec celui de l’azote) est responsable de l’eutrophisation des lacs et des zones côtières. La production primaire a déjà augmenté dans les mers bordant les continents industrialisés, comme la mer du Nord, et les apports de phosphore pourraient accroître la production primaire de l’océan pendant plusieurs décennies.5. Le soufreÀ l’état réduit, le soufre (S) est un élément indispensable à la vie. À l’état oxydé de sulfate, il constitue le deuxième anion par ordre d’abondance dans les rivières et l’océan (après l’ion chlorure). Son cycle naturel est profondément perturbé, parce que les combustions de charbons et de certains pétroles sont responsables d’émissions de soufre comparables aux flux naturels. Il n’est donc plus possible d’étudier ce cycle biogéochimique sans prendre en compte le rôle des activités humaines.Différentes formes chimiquesLe soufre existe sous plusieurs états d’oxydation et participe à de nombreuses réactions d’oxydoréduction. L’état le plus réduit, S(–2) est représenté par des composés comme H2S, RSH (où R représente une chaîne organique), RSR, OCS, CS2, CuS2, HgS. À l’exception de H2S, ces espèces ne s’oxydent que lentement. Seules les eaux anoxiques (marécages, eaux interstitielles des sédiments) peuvent être une source de H2S pour l’atmosphère. L’état S(–1) correspond à des composés comme RSSR ou FeS2. Les deux formes de soufre réduit constituent les sulfures d’un grand nombre de métaux (Ag, Fe, Cd, Mn, Hg, Ca, Te, Se, As, Sn, Cu, Pb, Pt, Co, Ni, Mo). Elles existent aussi dans des composés organiques, comme les acides aminés (cystéine, méthionine). Par des liaisons disulfures (–SS–), le soufre assure les liens entre les acides aminés des protéines. La quantité de soufre contenue dans les organismes, tout comme celle de phosphore, est faible (environ 0,25 p. 100 du poids sec).La forme la plus oxydée du soufre est S(+6) de l’ion sulfate. Elle est présente dans l’atmosphère (acide sulfurique, sulfate d’ammonium) et dans l’océan. L’évaporation de l’eau de mer dans des bassins fermés conduit à des dépôts dans lesquels le soufre est à l’état de sulfate de calcium (gypse ou anhydrite).L’état intermédiaire S(+4) a seulement une existence transitoire. On le trouve sous forme de gaz sulfureux S2 dans l’atmosphère, les gaz volcaniques et les émissions industrielles. S2 est soluble dans l’eau, donnant naissance à des ions HS3– et S3–– instables, qui s’oxydent en S4––. Dans l’air, S2 est oxydé en sulfate par les radicaux OH.Le soufre à l’état élémentaire est formé naturellement par des processus bactériens ou inorganiques. Dans tous les cas, c’est un composé à degré d’oxydation S(+6) qui réagit avec un sulfure S(–2) pour donner du soufre S(0).La phase atmosphérique du cycle du soufreLes processus biologiques sont responsables de la production d’une grande variété de composés gazeux. Les écosystèmes terrestres émettent H2S, CS2, COS (sulfure de carbonyle), CH3SH (méthyl mercaptan), CH3SCH3 (DMS, sulfure de diméthyl), CH3SSCH3 (disulfure de diméthyl). Le DMS est le principal responsable des émissions de sulfure en océan ouvert. Il s’oxyde essentiellement en très fines particules de sulfates, qui servent de noyaux de condensation pour les nuages en atmosphère marine. Ces aérosols retombent avec les pluies ou sous forme de dépôt sec.Les activités industrielles, les feux de biomasse et les volcans émettent principalement du gaz sulfureux S2. Les volcans constituent une source mineure pour la basse atmosphère, mais une source épisodique majeure pour la stratosphère, où le S2 est oxydé en aérosols d’acide sulfurique qui interceptent le rayonnement solaire et contribuent à refroidir la basse atmosphère pendant environ deux ans, jusqu’à ce que la stratosphère ait été nettoyée. Les feux de biomasse naturels et anthropiques sont aussi responsables d’émissions d’aérosols soufrés et carbonés, d’où un lien entre les deux cycles. En quelques jours, l’ensemble des composés soufrés atmosphériques est oxydé en sulfates. Ceux-ci sont lessivés par les pluies. Dans les régions industrielles polluées, les pluies déposent 1 g S/m2/an, soit dix fois le flux en milieu océanique non pollué; 80 p. 100 des émissions industrielles de soufre se déposent dans un rayon de 1 000 km autour de leur zone d’émission.Une exception au caractère hétérogène de la répartition des composés soufrés est COS, composé très stable, qui peut être émis directement dans l’air ou résulter de l’oxydation de CS2. Son temps de résidence est voisin de un an et sa concentration est assez uniforme (500 ppt). Étant inerte dans la troposphère, il peut gagner la stratosphère où il est décomposé par les ultraviolets et transformé en sulfates. Il pourrait être une source importante de sulfates stratosphériques en l’absence de grandes éruptions volcaniques.Les flux d’aérosols marins sont très grands (140 Mt S/an), sept fois ceux transportés par les poussières terrestres. Ces sulfates proviennent de celui qui est dissous dans l’eau de mer ou du gypse présent à la surface des continents. Ils sont stables et neutres. Ils retombent intacts à la surface des continents ou de l’océan.La phase océanique du cycle du soufreL’océan joue un rôle central dans le cycle du soufre, parce que les principaux réservoirs (sulfures des roches sédimentaires, sulfates des évaporites, sulfates dissous dans l’eau de mer) sont associés à des processus océaniques.On distingue une boucle rapide dans laquelle les sulfates sont émis dans l’air par le pétillement de l’eau de mer et retournent à l’océan par les pluies et les rivières, et un cycle géologique lent au cours duquel le sulfate provenant de l’érosion continentale est apporté par les rivières et retourne au réservoir sédimentaire lorsque le soufre est piégé dans les sédiments abyssaux, soit sous forme de pyrite (FeS2) dans les zones de forte production primaire, soit sous forme d’évaporites dans des bassins marginaux, soit par circulation de l’eau de mer dans les systèmes hydrothermaux, où les dépôts d’anhydrite et de sulfures métalliques sont fréquents.Le cycle global du soufre perturbé par les activités humainesLa grande majorité du soufre est présente dans la lithosphère, qui contient 2 憐 1010 Mt S peu échangeable. Les réservoirs de soufre mobile sont l’atmosphère (4,8 Mt S), les lacs et les rivières (300 Mt S), les sols et les végétaux terrestres (300 000 Mt S), l’océan (1,3 憐 109 Mt S), les sédiments océaniques (3 憐 108 Mt S) et la biosphère marine (30 Mt S) [fig. 4].La connaissance du cycle du soufre présente encore des incertitudes considérables en raison de sa perturbation par les activités humaines et de fortes disparités existant à l’échelle régionale. Aussi les chiffres ci-dessous sont-ils très imprécis. On estime que chaque année les vents transportent puis déposent 20 Mt S de poussières désertiques (gypse) et 140 Mt S de sels marins émis par la surface des océans. L’atmosphère reçoit 22 Mt S résultant des émissions par les végétaux terrestres de composés organiques, où le soufre a un faible degré d’oxydation, et 43 Mt S provenant du plancton marin sous forme de DMS. Les volcans injectent 20 Mt S dans l’atmosphère, essentiellement sous forme de S2. Les combustions industrielles et les feux de biomasse représentent un rejet d’environ 100 Mt S, essentiellement sous forme de S2 et d’aérosols soufrés. Toutes ces émissions seront finalement oxydées essentiellement en sulfates, qui seront lessivés par les pluies ou retomberont sous forme de dépôt sec (85 Mt S sur les continents et 260 Mt S sur l’océan). Les rivières rejettent à l’océan environ 200 Mt S, dont la moitié proviendrait des activités industrielles, le reste de l’érosion et des apports par les pluies. Comme l’océan ne semble éliminer que 135 Mt S sous forme de pyrite et de sulfures hydrothermaux, la concentration en sulfate océanique devrait augmenter d’environ 65 Mt S par an, quantité négligeable devant la taille du réservoir océanique.Le cycle naturel du soufre est donc profondément perturbé. Si l’effet paraît modeste à l’échelle globale, il est considérable à l’échelle régionale dans les régions industrialisées (partie est de l’Amérique du Nord, Europe et une partie de l’Asie), où les émissions ont doublé, modifiant la composition chimique de l’air et des pluies. Les dépôts acides ont eu un impact considérable sur l’environnement, attaquant les monuments et modifiant la qualité des eaux douces et des sols.6. Les métaux lourdsLes sociétés industrialisées utilisent les métaux. Or ceux-ci participent aux cycles biogéochimiques. Dans les conditions naturelles, ils se déposent lorsque le milieu ne permet plus leur mobilité. Ces dépôts varient en qualité, depuis des métaux presque purs (le cuivre [Cu] à l’état natif) jusqu’à des éléments très dispersés dont l’intérêt économique est marginal. En l’absence d’activité humaine, les métaux étaient relâchés dans l’environnement au rythme auquel l’érosion les libérait. Ces rythmes ont été considérablement modifiés par les activités minières et les modifications de l’environnement. Les activités humaines perturbent donc une fois encore les cycles biogéochimiques en modifiant les flux de métaux entre les différents réservoirs et en changeant la forme chimique sous laquelle ces éléments étaient déposés.Les métaux ont parfois des propriétés semblables, mais tous ont des caractéristiques originales qui interviennent à un niveau ou un autre de leur cycle. Ils sont susceptibles d’établir des liens réversibles avec une grande quantité de composés, organiques ou inorganiques, qui contrôlent leur transport et leur devenir.Les métaux dans les cycles biogéochimiquesPour participer aux cycles biogéochimiques, il faut qu’un métal soit disponible et qu’il ait été mobilisé, c’est-à-dire rendu apte à être transporté au-delà de la zone où il s’était déposé. La disponibilité d’un métal dépend de son abondance et de la stabilité de ses minéraux. Sa mobilisation est le résultat de l’érosion chimique, qui altère les roches pour former des composés plus mobiles, ou bien de l’activité biologique: la croissance des racines broie mécaniquement les roches et expose des surfaces nouvelles à l’érosion chimique, tandis que les interactions entre les solutions du sol et les plantes modifient le pH des eaux, leur composition chimique et leur réactivité. L’activité volcanique contribue aussi à mobiliser les métaux les plus volatils (Pb, Cd, As, Hg), en extrayant les métaux des réservoirs profonds et en les injectant dans l’atmosphère.Les métaux jouent un rôle essentiel dans de nombreux systèmes enzymatiques. Cependant, tous sont toxiques à forte teneur. Les micro-organismes jouent un rôle majeur en convertissant des composés métalliques organiques ou inorganiques en des formes chimiques solubles, transportables à travers les divers compartiments des écosystèmes aquatiques ou absorbables sur des particules.Les activités humaines ont contribué à accroître la mobilisation des métaux. À titre d’exemple, la combustion des charbons libère des cendres très enrichies en métaux (As, Cd, Co, Cr, Cu, Hg, Pb, Se, V, Zn). Certains (As, Pb, Cd, Se, Cr, Zn) sont concentrés sur les plus fines particules qui s’échappent des cheminées et sont transportées dans l’atmosphère à de grandes distances. Sous l’action des eaux, elles sont attaquées et donnent naissance localement à des solutions couvrant des gammes de pH très larges (de 4 à 13), ce qui permet la solubilisation des métaux transportés. La disponibilité de ces métaux est ainsi accrue et ils peuvent être mobilisés, puis transportés par les rivières ou l’atmosphère jusqu’aux sédiments.L’exemple du mercureLe cycle naturel du mercure (Hg) est dominé par le transport atmosphérique et les échanges entre l’atmosphère et la surface des continents ou des océans. Ce métal est relâché par les volcans et par volatilisation depuis les terres et les mers. Ses temps de résidence dans l’atmosphère, les sols et l’océan sont respectivement 11 jours, 1 000 ans et 3 200 ans.Ce cycle naturel a été très perturbé parce que les processus industriels de haute température sont responsables d’émissions importantes dans l’atmosphère. Il en résulte une augmentation de la teneur moyenne en mercure de l’air et des rivières, celle-ci pouvant atteindre localement un facteur dix.Dans les sols, la réduction biologique de la forme oxydée de Hg(+2) conduit à la formation de Hg métal susceptible de se volatiliser, ce qui lui permet d’entrer dans le cycle biologique bactérien. Il peut alors passer dans les solutions aqueuses et l’océan, où il forme des complexes avec des ligands organiques et inorganiques et où il est associé avec la matière organique dissoute ou particulaire. Dans les sédiments, il peut être transformé en méthylmercure, composé très volatil et toxique. Celui-ci est facilement accumulé dans les organismes et envahit la totalité de la chaîne alimentaire, jusqu’à l’homme, comme cela s’est produit dans la baie de Minamata (Japon), où le mercure concentré dans le poisson fit de nombreuses victimes. Les applications industrielles du mercure sont déjà responsables de plusieurs milliers de cas d’empoisonnement.Les cycles biogéochimiques sont d’une extrême complexité et contrôlent, pour une large part, nos conditions de vie. Les activités humaines ont considérablement perturbé les équilibres fragiles qui les régissaient. Dès maintenant, les conséquences sont visibles: accroissement de la teneur en gaz à effet de serre, modification du pouvoir oxydant de l’atmosphère, pluies acides, baisse de la qualité des eaux douces, diminution de l’ozone stratosphérique, qui nous protège du rayonnement ultraviolet.L’écologie a montré qu’une population en croissance exponentielle dans un milieu fermé ne peut survivre à terme. Même si elle est capable de recevoir la nourriture nécessaire à sa survie, elle périt par accumulation de déchets toxiques. Les hommes vivent actuellement une telle expérience et la perturbation des cycles biogéochimiques suit étroitement la croissance de la population mondiale. Cela confirme que notre planète est un système clos et que nous ne pourrons y maintenir une vie de qualité qu’en contrôlant la croissance de la population humaine.
Encyclopédie Universelle. 2012.